Réponses du groupe CGT au questionnaire soumis par le bureau du CESER Normandie

Publié le 20 avr. 2020

AVANT PROPOS :

Le groupe CGT au CESER, composé de 13 membres, est mandaté par le Comité Régional CGT Normandie. En cela, il est, autant que faire se peut, le porte-parole de la réflexion commune de l’expression des syndiqués de la CGT et de leurs organisations au niveau de la région Normandie, mais il est aussi porteur des analyses de la Confédération Générale dont il est l’une des composantes.

Ce rappel explique le choix que nous avons fait d’une réponse collective aux questions posées qui nous apparaissaient comme s’adressant à notre organisation. En revanche, pour les questions portant sur « les secteurs ou activités où vous exercez ?» chaque conseiller, membre du groupe CGT, a été amené à exprimer ses appréciations en fonction des remontées en provenance du terrain dont il a connaissance.

1. ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES DE SORTIE DE CRISE :

1.- Comment la crise est-elle ressentie, vécue par l’organisation que vous représentez au CESER ?

Les raisons de cette crise ne sont pas pour nous une véritable surprise tant, depuis de nombreuses années, les appels, les constats, les manifestations, ... lancés par les salariés de divers secteurs, et bien sûr, ceux issus de la Santé, alertaient sur la dégradation de l’état de la situation économique et sociale de la France.

Dans le même temps, depuis les années 2000 et l’accélération nous menant à la phase actuelle de la mondialisation, de nombreuses voix, dont celle de la CGT, se sont élevées pour dénoncer les méfaits d’une mondialisation néolibérale fondée sur un quadruple dumping : écologique, social, fiscal et démocratique.

Nous n’avons eu de cesse de dénoncer ces méfaits en interpellant les divers responsables en charge des « différents étages de gouvernance » de ce pays : les différents gouvernements qui se sont succédés, mais aussi, au niveau régional, les différents exécutifs, dont la Région Normandie.

De nombreuses références de ces interpellations pour dénoncer ces nuisances sont facilement consultables dans les diverses interventions que nous avons eu l’occasion de faire lors des avis rendus par le CESER de Normandie.

Aussi, quand soudainement, les discours de l’Élysée et de Bercy deviennent désormais critiques envers la mondialisation, alors que Bruno Le Maire, Ministre de l’économie, et Emmanuel Macron, Président de la République, sont des chantres de la libéralisation et de la casse sociale, nous ne pouvons qu’esquisser un soupir de satisfaction.

Mais personne n’est dupe !

Les économistes néolibéraux et les gouvernements relayés par « les chiens de garde » médiatiques voient dans la crise du Covid-19, un choc conjoncturel, qui met à mal la mondialisation, pourtant pleinement assumée depuis les années 2000.

Sauf, que le Covid-19 n’est qu’un simple détonateur, un précipitant de la crise de la mondialisation et non la cause.

C’est tout simplement un « accusateur » qui révèle les effets des politiques néolibérales qui ont mis notre pays et nos services publics depuis longtemps à bout de souffle.

Cette crise révèle les limites d’un modèle de développement mondialisé fondé sur la course à la baisse des coûts de production, à la rentabilité, au premier rang desquels figurent les salaires et la consommation frénétique des ressources.

Combinées à des politiques d’austérité limitant les investissements publics, les baisses de salaire engendrent une baisse de la demande, tant de la part des entreprises (investissements) que de la part des ménages (consommation).

Sans compter les privatisations conduites au galop dans tous les secteurs d’activités et bien sûr dans l’Énergie ou la Santé, visant à faire passer les biens de la Nation dans les mains de quelques investisseurs privés friands et avares du capitalisme.

L’organisation de production des multinationales leur permet de maximiser leurs profits en produisant à bas coût et au prix de la destruction de notre environnement. En multipliant les échanges internationaux, celles-ci sont aussi à l’origine d’une pollution importante dont elles ne paient jamais le coût et d’une surconsommation de nos ressources naturelles.

A chaque étape de la production, elles vont choisir les pays en fonction du dumping leur permettant de mettre en œuvre : le dumping social de la main-d’œuvre bon marché des pays en développement, le dumping environnemental des pays considérés comme des « havres de pollution », le dumping fiscal des paradis fiscaux qui proposent des niveaux de taxation des profits bien inférieurs à la moyenne internationale, voire nuls !

C’est pourquoi le groupe CGT au CESER de Normandie, à l’instar de 16 autres organisations associatives et syndicales le dit haut et fort : PLUS JAMAIS ÇA !

2. LES PRINCIPALES DIFFICULTÉS A COURT TERME :

2.1.- Quels sont les problèmes/situations que vous rencontrez qui risquent de freiner, gêner, empêcher cette poursuite ou reprise ?

Même si chacun fait au mieux, le travail se fait dans des conditions très particulières et « en mode dégradé ».

En fait, cette crise révèle pour certains ou confirme pour d’autres que, par exemple, le télétravail n’est pas fondamentalement une bonne solution et que les salariés se retrouvent bien souvent placés dans des situations pénibles de travail. 

Ainsi, les postes de travail n’ont pas été systématiquement aménagés pour le travail à distance et on a pu constater, et mesurer avec cette crise, les limites de l’exercice pour instituer une frontière entre vie professionnelle et vie privée.

C’est un fait, le droit à la déconnexion de toutes et tous n’est pas rigoureusement appliqué.

Pour assurer une véritable continuité des activités, il aurait fallu disposer d'un environnement de travail équivalent et exempt de toute contrainte particulière, que ce soit d’ordre technique ou psychologique. Or, nous le répétons c’est bien tout le contraire qui est vécu actuellement.

Par ailleurs, les visioconférences ou conférences téléphoniques ne sont que des pis-aller. Ces solutions permettent de maintenir un lien, certes, mais uniquement en nombre limité. Et elles excluent de facto les personnes non équipées, soit un tiers de la population.

En effet, le recours à ce télétravail imposé par la pandémie démontre une fois de plus, si besoin était, la fracture numérique criante qui existe sur notre territoire.

Nous disons donc à tous ceux qui seraient tentés : la volonté de généraliser ce mode de travail après la crise n’est pas une bonne idée !

Par ailleurs, les licenciements et les Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) déclenchés avant le confinement restent d’actualité. Comment peut-on demander aux salariés concernés de penser une poursuite ou une reprise de l’activité dans cette situation ?

Ainsi depuis plus d’un mois, et plus particulièrement dans l’enseignement, les personnels se sont organisés progressivement pour maintenir, à distance, un lien pédagogique avec les étudiant.es afin de continuer à transmettre, à échanger et à questionner. Pourtant, il y a bien rupture de la continuité pédagogique. Il serait dangereux de vouloir continuer à travailler à distance à un rythme ordinaire comme si de rien n’était.

Les modalités d’évaluation devront prendre acte de cette rupture de la continuité pédagogique et de la diversité des situations. Cela impliquerait de renoncer aux évaluations à distance occasionnant de l'iniquité et du plagiat. Elles sont rendues d’autant plus problématiques que la fracture numérique n’épargne pas les étudiant.es.

La reprise dans les crèches, écoles, collèges et lycées est prévue pour le 11 mai. Cela a été annoncé mais aucun dispositif n’a été prévu : sur quels critères va s’établir le dé-confinement progressif des élèves pour un retour en classe ? Quels vont être les protocoles : masques, distance, comportement, … ? Comment demander à de jeunes enfants de respecter l’ensemble des règles de barrière sanitaire ? Quid du nettoyage des locaux ? Cantine ? Garderie ? Autant de questions à ce jour dont nous ignorons les réponses. Après avoir sacrifié l’hôpital public, on va sacrifier l’éducation nationale.

Pour ce qui concerne le ferroviaire, le service minimum mis en place ne permet pas de réaliser tous les travaux sur les voies, tout l’entretien des trains. La reprise ne pourra se faire que de façon partielle. Le retour à un service normal ne pourra être envisagé que des semaines après le dé-confinement. Les agents et les trains ne sont pas aux bons endroits et il faudra du temps pour arriver à un service normal. Aujourd’hui la direction de la SNCF veut forcer les agents à prendre 5 jours de repos, ce qui risque de rigidifier l’utilisation des agents. Aujourd’hui, les fonctions syndicales et le dialogue social sont plus compliqués, voire inexistants dans d’autres secteurs.

Exemple plus précis, Pôle Emploi, qui par nature, reçoit du public. Certains sites le reçoivent dans des espaces restreints (ex : Pôle Emploi Rouen - Saint Sever). Pôle Emploi avait choisi de concentrer la réception sur flux le matin et de réserver la réception sur rendez-vous l’après-midi. Il en découle une concentration du flux de visiteurs en matinée. Ces horaires seront-ils revus ? Les ateliers, organisés par groupes de 10, 20 ou plus de personnes dans la même pièce, seront-ils maintenus ? Dans ce cas, quid des mesures pour les agents animant ces réunions ? Quid des mesures pour les agents en poste d’accueil et ceux qui réalisent les entretiens individuels ?

Quel que soit le secteur, les salariés et leurs représentants se posent beaucoup de questions quant à la reprise d’activité dans des conditions sanitaires irréprochables. La reprise de l’activité économique ne doit pas se faire au détriment de la santé des salariés, sous peine de voir arriver une seconde vague d’épidémie.

2.2.- Allez-vous (ou avez-vous déjà) demander de l’aide ? Si oui à qui et sous quelle forme ? Qu’espérez-vous raisonnablement obtenir ?

Les travailleurs paient un lourd tribut, y compris financièrement dans cette crise sanitaire. Beaucoup de voix s’élèvent fortement pour dire que nombre de salariés en première ligne, que ce soit dans l’agroalimentaire, le commerce, l’aide à la personne, les soins ou le médico-social, les services de ramassage des déchets, ... ne sont pas payés correctement et reconnus dans leur travail, alors que ce sont bien eux les « premiers de cordée ».

Bon nombre de ces salariés découvrent leur bulletin de salaire avec des pertes de rémunération substantielles, notamment liées à la disparition des parts variables de rémunération (primes diverses, calcul à partir des forfaits jour, etc.). C’est pourquoi il s’agit de procéder à une augmentation immédiate du SMIC qui devra se répercuter sur l’échelle des salaires. L’augmentation significative du point d’indice dans la fonction publique doit être un engagement du gouvernement.

Pour prendre un exemple particulier : la CGT œuvre depuis des années à une revalorisation des salaires des agents de la fonction publique, ainsi que la mise en place d’un programme de hausses des indices de rémunération dans les secteurs sociaux et médico-sociaux. Les récents discours du Président de la République ont laissé entendre que le monde d’après sera différent. Soit !

Une vraie volonté doit être engagée vers un véritable accès aux services publics, envers tous les publics, dans les domaines de la santé bien sûr, mais également des transports, de l’enseignement, … Tout doit alors être mis en œuvre pour ce faire.

Des coopérations entre secteurs d’activité ont été mises à jour. Il sera utile de les développer, quel que soit le secteur.

2.3.- Avez-vous déjà apporté de l’aide dans le contexte actuel ? Si oui, de quelle nature ?

En tant que représentant-e syndical-e CGT auprès des salariés de nos secteurs respectifs, bien sûr, comme, nous le faisons au quotidien en « temps normal », nous avons, par nos actions, apporté de l’aide.

Cependant, il faut reconnaître que les mesures d’exceptions prises par le gouvernement via des ordonnances de casse et déréglementations du droit du travail ont malheureusement accru nos interventions. 

C’est pourquoi nous exigeons l’abrogation immédiate de ces ordonnances liberticides.

Notre organisation s’attache journellement à produire des analyses et à communiquer des informations pour permettre la défense des droits des travailleurs.

Tout cela passe par différents canaux puisque la situation ne permet pas des échanges en « présentiel ».

Par ailleurs, il faut constater qu’outre les ordonnances décrétées par le gouvernement, une véritable chasse aux sorcières se met en place à l’encontre de celles et ceux qui lancent des alertes sur les conditions de travail ou simplement veulent faire exercer leur métier en faisant respecter le Code du Travail. 

Ainsi, force est de constater que le Ministère du Travail tente, en violant la convention 81 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), de museler les inspecteurs du travail dans leur mission. Pire, ce Ministère entame une campagne de sanctions à l’encontre de celles et ceux qui veulent exercer simplement leur mission essentielle, primordiale et fondamentale de protéger les salariés.

Nous le redisons, en cette période, les salariés ont plus que jamais besoin de leur syndicat à leurs côtés, c’est pourquoi nous tenons à rappeler l’engagement pris par le Ministre de l’Intérieur, d’élaborer une autorisation spécifique et nationale pour permettre à tous les élus et mandatés de circuler librement et d’intervenir dans les entreprises ou les services. Cette promesse n’est, à ce jour, encore une fois pas honorée.

Bref, militer à la défense des salariés n’a jamais été une sinécure mais dans ces conditions de libertés contraintes et rétrogrades, c’est encore plus difficile.

3. LES ATTENTES VIS-A-VIS DU CONSEIL RÉGIONAL :

Avez-vous des attentes particulières vis-à-vis du Conseil régional (que ce soit par rapport à votre secteur d’activités ou plus largement) ?

en tant qu’organisation représentée au sein du CESER ?

Un fond de plus de 70 millions d’euros a été débloqué par la Région Normandie, pour aider l’économie normande.

Nous avons vu les objectifs et la destination de cette mobilisation financière d’importance, notamment les 21 millions d’euros de contribution au Fond National de Solidarité mis en place par le gouvernement, les Régions et les Collectivités d’outre-mer, ...

Pour notre part, nous considérons que toutes ces aides seraient plus utiles aux salariés directement, dont les revenus sont largement amputés, pour faire face aux besoins quotidiens essentiels (nourriture, logement, transport, éducation, …), sans compter les plus démunis tragiquement abandonnés, alors que le logement est le principal outil de confinement.

Nous serons également attentifs à ce que les budgets liés à tout ce qui touche la santé, et l’économie qui en découle de près ou de loin, soient engagés en ce sens.

En effet, notre organisation syndicale tient à rappeler que les expériences passées ont dévoilé les nombreux résultats négatifs avérés de dispositifs d’aides publiques aux entreprises (comme par exemple le CICE qui représente le plus emblématique de ces effets d’aubaine destinés aux entreprises et, cela, sans aucune contrepartie ni engagement en matière d'emploi ou d'investissement, …). Aussi, nous ne pouvons qu’exprimer une grande défiance à l‘égard de ce type de mesures.

Cela étant, puisque ces dispositifs sont mis en place unilatéralement, la CGT considère que toutes les aides publiques doivent être connues, justifiées, évaluées, accordées sur la base d’objectifs et de critères précis en fonction d’un intérêt collectif établi.

Pour ces mesures exceptionnelles comme pour les autres, la CGT revendique depuis des années, que ces aides et exonérations soient soumises à un contrôle et une évaluation sérieuse et plurielle.

Ainsi, elle propose qu’à l’instar du Comité national de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements, une déclinaison au niveau régional de ce comité soit instituée.

Bien évidement ce type d’institution de contrôle ne doit pas se substituer aux missions d’évaluations des politiques publiques confiées par le législateur au CESER. Bien au contraire, au niveau du CESER Normandie, il s’agirait d’examiner et de réfléchir à une nouvelle pratique en matière d’évaluation, afin de gagner en efficacité, indépendance et impartialité.

Par ailleurs, l’organisation territoriale en place est corrélée à la poursuite des politiques d’austérité. À la lumière des événements actuels, il serait souhaitable que l’État mette en place les structures et les conditions pour que les régions puissent agir en faveur d’une autre conception de la société.

Un véritable bilan de l’impact social et économique du virus dans notre région, dans l’industrie, l’agriculture, l’artisanat les PME, les TPE, dans les domaines de la santé, de l’éducatif, du culturel, etc. doit être établi.

Il faut connaître les difficultés rencontrées par les salariés dans le cadre de l’activité partielle ou non et par les demandeurs d’emploi.

L’usage du numérique en télétravail et en formation à distance devra faire l’objet d’une réflexion, notamment pour les publics en situation d’illettrisme et/ou d’illectronisme.

Cette réflexion sur la montée en puissance de la Formation Ouverte À Distance devra prendre en compte l’impact de celle-ci sur la reconnaissance dans les entreprises des nouvelles compétences acquises, en lien avec la demande de mobilisation du Compte Personnel de Formation.

Par exemple, à la lumière des nouvelles pratiques notamment en matière de formation et de travail, il faudrait réinterroger également des préconisations pour aller plus loin sur les impacts et les conséquences sociales, environnementales et économiques.

La question des transports et des services publics devra être posée, des plans d’aides aux collectivités devront être mis en place.

Un autre sujet de préoccupation majeur et urgent nous inquiète au plus haut niveau :  le devenir de l ’usine papetière UPM Chapelle Darblay à Grand Couronne.

Si l’on ne prend pas rapidement la décision de réquisition et de sauvegarde, elle risque le démantèlement et donc la fermeture définitive.

La démonstration de son utilité sociale et de sa place en vallée de Seine pour répondre aux enjeux de développement d’une économie circulaire, de proximité et d’indépendance de la filière papier, a maintes fois été démontrée par les salariés et leur syndicat CGT.

Faut-il le rappeler, la sauvegarde de cette papeterie ce n’est pas seulement qu’une question industrielle et de suppression de plusieurs centaines d’emplois, c’est aussi une question d’enjeux environnementaux et démocratiques.

A l’heure où tout le monde évoque la situation de « l’après » crise du Covid-19, nous considérons que cette usine, acteur majeur de la filière tri et recyclage, représente un véritable symbole de l’industrie de demain.

Pour mémoire c’est plus de 350 000 tonnes de vieux papiers/an qui sont utilisées par cette usine pour sa production. Ce qui représente à peu près l’équivalent du tri des déchets papiers de 20 millions d’habitants, soit la population de toute l’Ile-de-France ajoutée à celle du nord de la France.

La CGT estime que même si la situation actuelle est difficile, elle est néanmoins propice pour prendre une initiative montrant une direction à prendre. Celle-ci affirmerait une volonté de redressement productif mettant en conformité les actes avec les discours.  

Et, parce qu’il y a une échéance très courte avec la fin du plan de sauvegarde de l’entreprise annoncé pour juin 2020, la Région doit s’engager avec force, détermination et rapidité sur ce dossier.

en tant que conseiller du CESER (quel rôle l’assemblée peut-elle jouer ?)

L’assemblée CESER peut demander au Conseil Régional quel rôle il a joué dans la gestion de cette crise sanitaire. De quel ordre était son aide ? Vers qui ? Quelles ont été les relations avec l’Agence Régionale de Santé ?

Ne faut-il pas revisiter les rapports précédents pour remettre en avant les préconisations du CESER qui répondent aux causes de différentes crises possibles et les compléter par de nouvelles recommandations de l’assemblée ?

L’assemblée doit tenir son vrai rôle d’évaluation des politiques publiques, renforcer le lien qui prend en compte les études du CESER et les préconisations qui y sont faites.

4. QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DE LA CRISE :

Concernant votre activité (ou votre mandat), quels sont les enseignements que vous tireriez de cette crise pour l’avenir ?

L'organisation syndicale CGT a toujours revendiqué le fait d'être au plus près des salarié-e-s pour défendre les conditions de travail et les revendications des salarié-e-s.

De fait, comme nous l’avons déjà exprimé, cette crise ne fait que confirmer notre engagement militant.

Par ailleurs, nous sommes convaincus que le monde est totalement bouleversé par cette crise et rien ne sera plus comme avant quand nous en serons sortis. En tout cas cela ne peut plus être comme avant.

Gouverner c’est prévoir, et la gestion de la pandémie par le gouvernement et la Présidence de République n’en ont pas fait une démonstration convaincante. Il y a donc un besoin urgent de faire avec les organisations syndicales, un bilan sur les changements radicaux de politique à opérer dans de nombreux domaines économiques et sociaux.

La CGT porte des propositions pour transformer cette société autour de valeurs de progrès social, de solidarité et de sécurité, tant professionnelles qu’environnementales.

La CGT revendique ainsi la mise en place d'une « sécurité sociale professionnelle » pour tous afin qu'aucun salarié, tous statuts confondus, ne subisse plus de rupture dans ses droits, dans la reconnaissance de ses qualifications et de ses acquis par l'expérience.

Il faut mettre en place une sécurité sociale intégrale, un 100 % Sécu sur la base du salaire socialisé, fondée sur les principes fondateurs de la Sécurité Sociale, que sont la solidarité et l'universalité, en intégrant de nouveaux besoins non encore couverts et adaptés aux nouvelles formes du travail.

Il s’agit de répondre aux besoins fondamentaux, sur le principe de « bien commun universel », de revalorisation du travail, de préservation de l’environnement et de l’anticipation des transitions nécessaires pour que l’activité humaine ne porte pas atteinte à l’avenir de la planète.

Cela suppose aussi qu’une autre économie et qu’une autre façon de consommer émergent.

La crise liée au Covid_19 ne peut pas être le prétexte pour la déréglementation du droit du travail - portant sur la durée du travail, les congés payés, les Réductions de Temps de Travail ou encore les Comptes Épargne Temps - qui affecte les salarié-e-s et leurs conditions de vie actuellement.

La CGT revendique d’ailleurs un Code du Travail qui renforce la dignité du travail.

La CGT a combattu la loi travail et les ordonnances Macron qui ont déjà mis à mal le monde du travail notamment avec la disparition des Comités d’Hygiène, de Sécurité et de Conditions de Travail (CHSCT).

A ce propos, il faut se souvenir combien la suppression d’une telle institution représentative du personnel possédant une personnalité juridique propre et des prérogatives a été regrettée au moment de la catastrophe liée à l’incendie de l’usine Lubrizol.

Alors, à la lumière de cette crise sanitaire, la remise en place de vrais CHSCT doit être une priorité.

Cette crise a mis en avant la nécessité d'un véritable service public, avec en première ligne la santé, mais aussi la poste, les services municipaux, l'énergie, ... L'état doit avoir la main et donner les moyens à ces services qui sont capitaux en temps de crise. Il faut stopper les restructurations successives et donner des moyens aux fonctionnaires pour leur permettre de rendre leurs services auprès de la population.

Cette crise a également révélé celle qui existait déjà dans nos Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD). Nous devons prioriser le plan « Grand âge » et le mettre en application. Comment pouvons-nous accepter que nos aînés n’aient pu être accompagnés par leurs proches dans leur fin de vie ? Quelle souffrance vécue !

La CGT milite pour un monde plus juste socialement, économiquement. Parce que nous considérons qu’urgences sociale et environnementale sont un même combat, nous revendiquons un plan d'envergure concernant la question environnementale.

En effet, plutôt que culpabiliser les individus, face à la crise sociale et climatique sans précédent que traverse la planète, c’est une réponse collective qui est attendue : une nouvelle politique qui engage la responsabilité des pouvoirs publics et du patronat et conjugue justice sociale et justice écologique.

Oui pour nous il s’agit bien de travailler à l’amélioration des conditions de vie et de travail, dans le respect de l’environnement.

Pour cela il s’agit par exemple non exhaustif, de développer des services publics de proximité, de relocaliser la production, de conditionner les aides publiques aux entreprises, de stopper les projets écologiquement et socialement rétrogrades.

Nous le réaffirmons il est indispensable de changer de paradigme et de construire un projet collectif partagé de développement - en rupture avec le précédent - qui permette de répondre aux besoins sociaux des populations (comprenant bien entendu les questions sanitaires), et aux défis environnementaux. Nous le constatons, le développement des uns contre les autres, avec le dumping social et environnemental, ne peut conduire qu'à des catastrophes. C'est bien d'un monde solidaire et de coopération dont nous avons besoin.

Nous n’en pouvons plus d’un monde ou certains s’enrichissent de manière éhontée et qui sont oubliés pour contribuer à la solidarité quand le besoin s’en fait sentir.

Pour nationaliser les pertes, il y a du monde. Par contre pour nationaliser les profits, ce n'est pas la même chanson.

5. QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL :

5.1.- Pensez-vous qu’il soit possible et souhaitable de revenir à la situation d’avant crise (mode de société dans ses différentes dimensions : sociale, environnementale, économique, humaine, etc.) ?

La CGT fait partie des organisations, et elles sont nombreuses, qui s'expriment pour affirmer que « le jour d'après » ne pourra pas être la continuité du monde d'avant, celui-là même qui nous a conduits dans cette situation.

Si nous revenions à la situation d’avant la crise cela voudrait dire qu’aucun enseignement n’aurait été tiré, et que le libéralisme irréfléchi et le capitalisme restent les seules modèles pour notre société. Nous avons la nécessité de changer de cap : il nous faut repenser une organisation de la société en partant des besoins humains, en relocalisant une industrie utile à la population, et surtout, en réaffirmant la primeur de notre modèle social face aux exigences des actionnaires.

Il nous faut absolument réinvestir les secteurs des services publics.

Celui de la santé doit être priorisé : le développement de la recherche publique, la production de médicaments et de matériels indispensables à la lutte contre les maladies et épidémies, la révision de l’organisation et du financement des hôpitaux et des secteurs sociaux et médico-sociaux, le tout avec le seul objectif de replacer l’humain au centre de toutes nos préoccupations.

Nos secteurs des services et de l’aide aux citoyens, de l’agriculture et de l’alimentation, des transports, de la production et de la distribution d’énergie et de l’eau, de l’éducation et de la recherche, de l’environnement, du traitement des déchets, de la justice et de la police doivent également être  reconsidérés : on ne peut pas avoir applaudi ces acteurs indispensables à la santé , à la sécurité et au quotidien de la population pendant plusieurs semaines et reprendre le chemin de la destruction de leurs statuts et de leurs conventions collectives comme si de rien n’était !

Nous n’avons plus ni le droit de mettre en danger nos enfants et nos ainés, ni de rendre les personnes vulnérables à ce point. Il nous faut reprendre les rênes. Nous devons repenser une société où les salariés se sentent respectés, utiles, où les jeunes entrevoient l’avenir de manière positive et où les citoyens ne se sentent pas sous le joug des décideurs et des puissants de tous bords.

Nous avons besoin de sortir d’une production industrielle et d’une consommation imposées par des considérations financières. Il nous faut éveiller les consciences, aider les citoyens à se montrer respectueux de l’environnement et de la planète. Nous sommes demandeurs de solidarité, d’égalité, de générosité, de systèmes plus coopératifs et il faut pour cela des décisions politiques à la hauteur de ces objectifs.

Si ce virage n’est pas pris maintenant, de nouvelles crises surviendront et ce seront bien entendu les personnes et les populations les plus défavorisées qui seront encore touchées.

Les premières décisions politiques observées à la mi-avril 2020 ne prennent décidément pas cette direction : le tout récent projet de loi de finances rectificative prévoit l’ouverture de crédits à hauteur de 20 milliards d’euros à destination des entreprises stratégiques fragilisées sans aucune contrepartie environnementale ou sociale.

Nous le répétons à nouveau, et comme le souligne la pétition « Plus jamais ça », lancée par 16 associations et syndicats, nous devons mettre en place :

  • Un plan de développement de tous les services publics 
  • Une fiscalité juste et redistributive, un impôt sur les grandes fortunes, une taxe sur les transactions financières et une véritable lutte contre l’évasion fiscale. 
  • Un plan de réorientation et de relocalisation solidaire de l’agriculture, de l’industrie et des services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations, de répondre à la crise écologique.