Contribution de la CGT à la commission permanente de la CRSA
ARS de Normandie sur le Ségur de la Santé.
Le 25 mai dernier le gouvernement a lancé le Ségur de la Santé.
Cette vaste opération de communication fait écho aux propos tenu par notre président de la république lors de son allocution télévisée du 12 mars.
Très vite nous avions compris que nous vivions une situation inédite et que nous étions mal préparés à la surmonter. Depuis le début de la crise sanitaire, toutes les annonces de santé publiques ont été marquées d’incohérences et d’injonctions paradoxales, bien souvent non comprises non seulement par la population, mais aussi par la communauté hospitalière. Ces incohérences ont été provoquées par le fait que tous les discours officiels et dispositifs adoptés ont été en priorité inspirés par une adaptation à la gestion de la pénurie de matériel et de moyens au détriment d’une réelle réponse aux véritables exigences sanitaires en termes de soin et de prévention. Aucun champ d’intervention des différents secteurs n’a été épargné : Les établissements de santé comme ceux du social ou du médico-social à travers les Ehpad, le domicile et les établissements pour enfants et adultes handicapés.
Les difficultés rencontrées ne sont pas toutes de même ordre mais toutes ont un point commun : le manque de moyens humains et de lieux et services adaptés. La Gestion par l’économie et la rationalisation des couts appliquées ces dernières décennies et confirmées par notre gouvernement ne fait pas bon ménage avec la politique d’anticipation que nous aurions dû avoir.
L’expérience particulière que nous avons traversé fait largement écho au fait que depuis plusieurs années, les personnels de l'hôpital public n'ont eu de cesse, par leurs mobilisations répétées, d'alerter les pouvoirs publics sur la dégradation sans précédent de leurs conditions de travail. La crise sanitaire dont nous sortons à peine a permis de mesurer toute la légitimité de leurs revendications relatives notamment à leur niveau de rémunération et à la reconnaissance de leur qualification professionnelle.
L’abnégation dont on fait preuve les personnels hospitaliers nous rappelle que soigner est très souvent une vocation qui exige le sens du sacrifice. Alors, même en cas de pénurie d’équipements de protection comme ce fut le cas en l’espèce, ces femmes et ces hommes ne reculent pas. Pour un certain nombre d’entre eux, ils l’ont payé de leur vie. Je souhaite au nom de la CGT honorer leur mémoire. Je veux également vous dire la colère que ressent un très grand nombre d’entre eux face aux conditions absolument déplorables dans lesquelles ils ont dû affronter la vague épidémique, a fortiori dans les régions les plus touchées.
Cette colère s’est exprimée ce mardi 16 juin partout en France.
Des milliers de personnels de la santé mais aussi de nombreux salariés des établissements sociaux et médico-sociaux ont manifesté pour réclamer des moyens matériels et humains supplémentaires. Selon nos estimations, ce sont près de 15 000 personnes qui ont défilé dans les différentes villes de notre région dont 4000 à Rouen, 3500 à Caen ou 3000 à Cherbourg. Cette première mobilisation réussie sera suivie par deux nouvelles journées d'actions les 30 juin et 14 juillet.
Les propos tenus par le président Macron lors de sa première élocution télévisée début mars pouvait apparaitre comme porteuse d’espoir :
« Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties.
Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe.
Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » L’illusion aura été de courte durée. L’annonce du 1er ministre sur la volonté de maintenir le cap mais d’accélérer le rythme en dit long.
Force est de constater que sur le fond aucun réel changement n’est au programme. Ma santé 2022 et le PRS 2 qui sont une suite logique aux réformes dévastatrices appliquées depuis maintenant plus de 30 ans demeurent les textes de références au profit du secteur privé. Les exemples sont nombreux comme les annonces de suppressions de lits ou de services à Cherbourg ou à Lisieux. La philosophie de rendre le malade responsable de sa maladie (et non responsabilisé face à la maladie) avec le détournement de la médecine prédictive au profit du monde assurantiel sans aucun réel débat public sur la question, reste pour le gouvernement un projet majeur à développer.
La volonté de substituer le financement de la branche maladie de la cotisation sociale par l’impôt grâce à l’évolution programmée de la CSG reste inchangée et continuera à affaiblir notre sécurité sociale.
Le devenir de l’Hôpital public, la place du malade dans le système de santé en lien avec les évolutions technologiques et numériques, le financement de notre système de soins sont trois points qui mériteraient mieux qu’une conférence réunie dans l’urgence et réduite à sa plus simple expression.
Nous estimons à la CGT que l’expérience que nous traversons doit être pris avec sérieux. Si nous voulons sortir la santé de la loi du marché il nous semble que cela doit se faire au sein d’un grand service public de santé et d’action sociale. Une telle ambition nécessiterait de prendre du temps pour la réflexion et la construction d’un nouveau projet.
Nous avons la même approche pour la partie qui revient aux régions et qui concerne le retour d’expériences. Là aussi cette expertise et cet état des lieux devraient être pris avec sérieux. Le cadre contraint et le délai imparti bafoue encore une fois la définition que nous pouvons avoir de la démocratie.
Le SEGUR de la santé ne sera qu’un prétexte pour donner quitus au recyclage de la Loi ma santé 2022 et donner un semblant de démocratie à la manœuvre.
Sur la question de la démocratie nous sommes intervenus à plusieurs reprises durant la crise sanitaire auprès de l’ARS (courrier de sollicitation, lettre ouverte,). Nos sollicitations ont reçu une fin de non-recevoir.
En trois semaine il nous sera impossible d’aborder les nombreuses questions qui nous sont posées. Tout d’abord nous sommes toujours en phase de déconfinement progressive et n’avons pas pu prendre le recul nécessaire pour évaluer tous les sujets qui préoccupent notre champ professionnel. Les rencontres physiques étant encore réduites il est aussi compliqué d’évaluer ce qu’est l’état d’esprit des professionnels et plus généralement des citoyens.
Le retour d’expérience nécessiterait d’aborder de nombreux sujets :
- Comment la pandémie a été traitée dans nos établissements, dans nos départements, dans nos territoires.
- Comment ont été soignés les autres malades : en ville, à l’hôpital
- Comment s’est faite la continuité de soins et de prise en charge pour les personnes handicapées.
- Comment ont été suivis les malades en psychiatrie…
- Quelles sont les conséquences sur les droits du travail et les garanties collectives malmenées en la période.
- Comment ont été percutées les pratiques professionnelles par les dispositions nouvelles mis en œuvre dans de nombreux secteurs (télétravail, télé suivis, téléconsultations.
- Quelles conséquences sur les qualifications à venir et le contenu de nos métiers ? A ce sujet nous avons construit un questionnaire au niveau régional qui demandera plusieurs semaines à être exploité. Nous pouvons le mettre à disposition.
- Quelles conséquences sur la question de l’éthique professionnelle, des libertés individuelles…
- Comment a fonctionné ou surtout dysfonctionné la démocratie sociale et politiques La question du matériel médical et paramédical en lien avec une filière industrielle de santé répondant aux besoins des professionnels et de la population reste posée.
La liste n’est pas exhaustive.
Toujours que s’il y a urgence prenons les mesures d’urgence qui s’imposent :
- L’arrêt de toutes les restructurations en cours, fusion, fermeture de lits, de services ou d’hôpitaux de proximité : l’arrêt de la mise en œuvre du PRS 2
- La Suppression totale de la dette des Hôpitaux
- La Suppressions de la taxe sur les salaires
- L’augmentation immédiate de 8% du budget des hôpitaux au regard de la crise majeur de notre système de santé
- Augmentation immédiate des salaires pour toutes et tous d’au moins 300 euros avec un rattrapage progressif de la perte de pouvoir d’achat de ces dernières années de 25% d’augmentation de tous les salaires
- Prime identique pour toutes et tous
- Un plan d’embauche immédiat dans les hôpitaux et EHPAD
- La garantie des congés d’été pour les personnels.
- Le respect de la réglementation de l’organisations et du temps de travail,
- Le respect du dialogue social : comme le maintien des CHSCT
Nous demandons la mise en débat de notre proposition de la création grand service public de santé et d’action sociale permettant de couvrir la prise en charge à l’hôpital jusqu’au domicile des personnes en perte d’autonomie (en passant par les EHPAD…)
Le plan ma santé 2022 doit de notre point de vue être abandonné et remplacé par une autre loi en concordance avec les propos du président de la république prenant en compte l’ensemble des besoins de la population, intégrant évidement une réflexion profonde sur le financement.
Nous vous joignons à cet effet notre document « 4 Exigences et 12 propositions ».
La CGT, première organisation syndicale représentative de la Fonction Publique Hospitalière consulteras et continueras à se mobiliser avec les salariés tout au long de ces prochaines semaines. Elles et ils expriment de grandes attentes et une grande colère aussi dans la période, car les différentes promesses, annonces et surtout les dernières mesures, comme l’attribution de la prime, sont très mal vécues, le personnel se sent floué à chaque fois et la rupture de confiance avec le gouvernement actuel est considérable. Il est urgent d’entendre et d’intégrer leurs demandes pour les transposer en actes concrets.
A Caen le 20 juin 2020