Déclaration préalable CGT au Comité Régional d’Orientation sur les Conditions de Travail de Normandie du 10 juin 2020

Publié le 17 juin. 2020
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La protection de la santé des travailleur·ses  ne doit pas être reléguée derrière des considérations économiques. Le 31 mars dernier, le CROCT de Normandie était réuni sur demande de la CGT pour traiter en urgence des risques pour la santé des travailleur. e. s liés à la pandémie de COVID 19. Menée en audio, au pas de course en 2h, cette réunion n’aura pas permis la libre expression des organisations syndicales dont le temps et le nombre de prise de parole était fortement limité...

La protection de la santé des travailleur·ses  ne doit pas être reléguée derrière des considérations économiques.

Le 31 mars dernier, le CROCT de Normandie était réuni sur demande de la CGT pour traiter en urgence des risques pour la santé des travailleur.e.s liés à la pandémie de COVID 19. Menée en audio, au pas de course en 2h, cette réunion n’aura pas permis la libre expression des organisations syndicales dont le temps et le nombre de prise de parole était fortement limité. La CGT n’a obtenu aucune réponse de la DIRECCTE sur les questions précises posées dans sa déclaration préalable ou en séance :

  • sur les contaminations au COVID 19 en entreprise et le nombre de décès, 
  • sur l’insuffisance de la distance d’un mètre, 
  • sur les équipements de protection individuelle à utiliser, la DIRECCTE continuant à répéter en boucle le discours criminel du gouvernement sur l’inutilité des masques ! 
  • sur la restriction illégale du droit de retrait

3 mois plus tard et après une relance par mail, la CGT n’a toujours pas obtenu les réponses Voilà un bel exemple de la qualité du « dialogue social ».

Malheureusement, la réunion de ce jour ne s’annonce pas mieux, la CGT n’ayant même pas été sollicité sur l’ordre du jour. Quant au document servant de support à la réunion, son contenu est déroutant, principalement centré sur les questions économiques qui sont hors champ de compétence du CROCT et sur la description de l’activité très confinée des services de la DIRECCTE, de la CARSAT et des services de santé au travail dont l’absence sur les lieux de travail a été très remarquée.

Hormis deux chiffres sur les accidents graves et mortels du travail, le document transmis moins de 48h avant la réunion, ne comporte aucun élément concret sur les conditions de travail réelles pourtant bouleversées depuis la mi-mars :

  • Rien sur les contaminations au travail et les salariés décédés du COVID 19. Si le document fait état de 420 morts en Normandie, il passe sous silence les 24 décès concernent la classe d’âge 30 – 65 ans et les 110 admissions en réanimation pour les 15 – 65 ans selon les chiffres tirés du bulletin hebdomadaire de l’ARS Normandie. Pour chacun de ces cas, la CGT exige, de connaître le nombre de salariés concernés, la répartition par département et branches professionnelles, la mise en œuvre d’enquêtes systématiques concernant la possible contamination sur le lieu de travail, l’envoi d’un courrier à toutes les victimes salariés et ayant droits sur les possibilités de déclaration en AT/MP ! 
  • Silence les 5 clusters identifiés en Normandie depuis le 11 mai dans des établissements pourtant sous contrôle de l’inspection du travail et de la CARSAT 
  • Si le document indique des chiffres sur les accords collectifs signés depuis la mi-mars, il est complètement muet sur le nombre de CSE consultés sur les conditions de redémarrage, sur le port des équipements de protection individuelle, sur l’avancement dans la mise à jour des documents unique d’évaluation des risques professionnels, sur les éventuelles bonnes pratiques en matière de circulation en entreprise ou de désinfection. 
  • Rien non plus sur les alertes Danger Grave et Imminent, leurs causes et les mesures prises pour les supprimer, rien sur les Risques Psychosociaux qui ont explosé en lien avec le  télétravail contraint, le chômage partiel ou les situations de travail stressantes.

Pourtant il y a matière à produire une analyse qualitative si la DIRECCTE et les autres structures prenaient la peine de compulser notamment les alertes DGI et comptes rendus de CSE / CHSCT. Doit-on en conclure que la DIRECCTE fait comme la Ministre PENICAUD à savoir passer sous silence la réalité des risques professionnels, une Ministre qui déclarait à la presse que «  les conditions sanitaires sont réunies » au sein de l’établissement RENAULT Sandouville alors que le juge des référés a clairement indiqué dans son ordonnance que « cette reprise ne permettait pas d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs de l’usine face au risque lié au Covid-19 », une Ministre pro-patronale ne prenant même pas en compte les observations et mise en demeure de l’inspection du travail concernant Sandouville.

Nous saluons une nouvelle fois la démarche courageuse du syndicat CGT Renault Sandouville, qui a subi de violentes attaques du patronat, du gouvernement mais aussi d’autres syndicats pour qui la santé au travail est manifestement secondaire. Dans une situation de danger grave et imminent pour les travailleur.e.s, saisir le juge des référés s’est imposé comme la seule voie possible pour obliger les dirigeants de Renault au respect du droit des travailleur.e.s à ne pas être mis en danger. Si l’État prenait les mesures pour que les employeurs respectent le code du travail, la CGT n’aurait pas à saisir les tribunaux !

Après avoir menti pendant des semaines, PENICAUD, VERAN, PHILIPPE et MACRON sur la soi-disant inutilité des masques, les Ministres criminels du gouvernement ont dû faire marche arrière allant désormais jusqu’à imposer le masque dans les transports en commun. La DIRECCTE vient elle-même, avec 3 mois de retard, de revoir sa charte graphique compléter désormais par « porter un masque quand la distance d’un mètre ne peut pas être respectée ».

Lors de notre déclaration préalable au CROCT du 31mars, nous insistions sur le risque de transmission aéroportée sur la base de plusieurs articles scientifiques ainsi que sur l’insuffisance de la distanciation d’un mètre. Outre l’absence de réponse de la DIRECCTE, celle-ci a caché au CROCT plusieurs avis scientifique dont celui du Haut Conseil de Santé publique du 8 avril[1] relatif au risque résiduel de transmission du SARS-CoV-2 sous forme d’aérosol, avis qui ne fait que conforter les craintes de notre organisation.

Concernant la transmission par gouttelettes, l’avis indique que « Ces gouttelettes atterrissent sur la muqueuse respiratoire ou la conjonctive d'une autre personne, généralement à une distance d’environ deux mètres, mais peut-être plus loin », ce qui confirme l’insuffisance des 1 mètres sans équipement de protection individuel.

Concernant la transmission par aérosol, l’avis indique « ces données même partielles militent en faveur d’une contamination des espaces clos à distance des patients émetteurs, en particulier lorsque cet espace est petit et lorsqu’il y a plusieurs patients dans le même espace. » et souligne « la dispersion et la persistance du virus sous forme de fines particules en suspension dans l’air. »

Concernant le port des masques, l’avis indique que le « port d’un masque chirurgical permet de réduire d’un facteur 3 le nombre de particules sub-microniques inhalées par le porteur, mais 40% de ce qui pénètre dans le masque passe par les côtés du masque » contre 8% pour les masques FFP2. Cela est sans compter sur les masques alternatifs dont le gouvernement fait la promotion sans aucune démonstration de leur efficacité. Pour ne citer qu’un exemple parlant, le Ministère du Travail refuse de communiquer à son CHSCT le rapport de tests de 60 000 masques commandés réalisé par la direction générale des armées…. Sans tomber dans la paranoïa, il y de quoi s’inquiéter ! Nous devrions travailler sur un avis du GPRO sur les différents types de masques, la durée de leur port et leur adéquation avec d’autres équipements de protection individuels.

Enfin, nous devrions échanger aussi aujourd’hui sur les mesures de désinfection en entreprises. Nous sommes désormais très loin des préconisations du guide BTP validé par le Ministère du travail qui préconisait un nettoyage toute les 2 heures. Face au coût humain et financier de cette mesure, de nombreuses entreprises ou administrations choisissent un simple nettoyage quotidien un peu renforcé.

Concernant l’activité de l’inspection du travail, il est indiqué qu’aucune procédure de sanction administrative, qu’aucun procès-verbal d’infraction n’ont été établi alors que les représentants du personnel constatent des manquements répétés tels que l’absence d’actualisation du document unique, l’insuffisance des mesures de nettoyage et de décontamination, l’impossibilité de respecter les gestes barrières sans doter les travailleur.e.s des équipements de protection individuel nécessaire, sans compter les entraves aux représentants du personnel (refus de consulter les CSE, interdiction de délivrer des autorisations de déplacements pour les représentants du personnel, absence d’enquête suite à alerte danger grave et imminent….). Quant à l’absence de procédure de référé, cela ne nous étonne pas compte tenu du risque de suspension des inspecteurs du travail comme c’est le cas pour Anthony Smith depuis près de 2 mois, suspendu pour avoir tenté de faire correctement son travail !

Dans le cadre des prérogatives du GPRO du CROCT, la CGT propose et soumet au vote la mise en œuvre d’un groupe de travail dédié aux risques pandémique sur les lieux de travail. Ce groupe aura pour mission, dans le cadre des dispositions de l’article R. 4641-21 du code du travail d’analyser et d’étudier :

  • Les conséquences de l’épidémie de COVID 19 en Normandie sur les conditions de travail des travailleurs et travailleuses avec un recueil de données quantitatives et qualitatives 
  • Le recensement des bonnes pratiques en termes de protection des travailleurs dans les différents secteurs d’activité dans différents domaines (circulation, modification des espaces de travail, organisation des vestiaires, désinfection, équipements de protection collective et individuelle…) 
  • Les mesures précises à mettre en œuvre pour éviter une nouvelle vague et contenir toute situation épidémique sur les lieux de travail

Si la prévention du risque COVID 19 doit rester une priorité, cela ne doit pas pour autant nous faire oublier les autres risques professionnels. Alors que l’actualité sur le dossier LUBRIZOL a été riche ses dernières semaines (rapport du Sénat, étude de santé Rouen Respire, évolution du dossier pénal…), que les incidents / accidents perdurent notamment dans les entreprises SEVESO (incendie Raffinerie Total en décembre, explosion d’un bac à Lubrizol en janvier, incendie sur le site Seveso Framatome en février, explosion à Saipol Grand Couronne en mars, fuite d’ammoniac fin mai chez Yara….), le sujet a été délibérément omis de l’ordre du jour raison pour laquelle nous exigeons la tenue d’un GPRO spécifique sur cette question avant le 14 juillet.

Enfin, nous demandons la reprise immédiate des travaux du groupe de travail Sous Traitance / PDP décidé suite à l’explosion de SAIPOL Dieppe en 2018.

3 mois après les premières mesures, nous considérons que la politique du gouvernement, relayée sans réserve par le ministère du travail et la DIRECCTE est un véritable désastre pour la santé des travailleur.ses  comme pour la population en général. La CGT refuse que la relance de l’activité se fasse sur le dos de la santé des travailleur.ses.  Nos vies valent plus que leur profit !

Rouen, le 10 juin 2020

Repère revendicatif